Violences faites aux femmes. “Les policiers n’ont pas compris comment je pouvais être encore en vie” : le témoignage d’une survivante - Audrey Ferron - Cabinet d'avocat à Rennes
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Violences faites aux femmes. “Les policiers n’ont pas compris comment je pouvais être encore en vie” : le témoignage d’une survivante

Violences faites aux femmes. “Les policiers n’ont pas compris comment je pouvais être encore en vie” : le témoignage d’une survivante

Laissée pour morte dans le couloir de son immeuble, Valérie se remémore ce jour où sa vie a basculé. Un an après avoir été battue avec une extrême violence par son ex-compagnon, elle s’est reconstruite auprès d’une association qui vient en aide aux femmes. Témoignage.

Dans son petit appartement, en rez-de-jardin près de Rennes, Valérie* dispose des parts de quatre-quarts et cherche ses filtres à café. Elle n’a pas encore tous ses automatismes dans ce nouveau logement. Cela ne fait que deux jours que cette femme d’une cinquantaine d’années a pris possession de ce studio, synonyme de renaissance.

Il y a un an jour pour jour, après une agression particulièrement violente par son ex-compagnon, elle était conduite en soins intensifs à l’hôpital de Rennes. “C’est incroyable de la voir ici, chez elle, en sachant par quoi elle est passée” murmure Muriel, travailleuse sociale à l’Asfad de Rennes. Elle est assise sur le canapé neuf aux côtés de Léa, l’éducatrice spécialisée de l’association militante de mise en protection des femmes, qui a accompagné Valérie durant un an.

 

Je n’avais jamais vu quelqu’un dans un tel état. Je ne veux jamais revoir cela.

Léa Pautrieux, éducatrice spécialisée à l’Asfad de Rennes

Les deux travailleuses sociales sont venues pour finaliser la sortie de Valérie de leur structure d’hébergement d’urgence des femmes victimes de violences. Durant une année, Valérie a été accompagnée au quotidien pour lui permettre de retrouver l’autonomie fracassée par un conjoint ultra-violent. “Je n’avais jamais vu quelqu’un arriver dans un tel état, j’en ai encore des frissons” témoigne avec pudeur Léa Pautrieux, pendant que Valérie sert le café à ses premières invitées. La travailleuse sociale espère ne jamais revoir cela.

Un corps entièrement tuméfié

Je suis heureuse de vous recevoir, vous étiez mes préférées” rigole Valérie en marchant doucement. Un an après le drame, elle porte encore des séquelles. Les éducatrices se souviennent de son arrivée dans leur service après deux jours en soins intensifs. “Son corps était encore complètement tuméfié. Elle était nue sous sa chemise d’hôpital. Elle avait encore du sang dans les cheveux. Aucune affaire, rien” souffle Léa qui a encore l’impression de voir une scène d’un film catastrophe en repensant à la scène.

“Je me rappelle que c’est l’assistante sociale de l’hôpital qui nous a appelés pour savoir si on avait une place pour l’accueillir” se remémore Muriel. “Elle partait à la retraite et nous demandait un dernier geste avant de partir”. Heureusement, une place est disponible.

Je suis arrivée en taxi et je n’ai pas pu acheter de nouveaux vêtements” s’excuse encore Valérie. “J’avais dû trouver de quoi vous habiller en catastrophe sourit Léa. Vous m’avez fait rire quand vous m’avez dit que vous étiez en tenue de carnaval. Vous étiez déjà forte mentalement.”

Après lui avoir mis à disposition le minimum vital, la première action de l’éducatrice a été de contacter une avocate spécialisée sur les violences faites aux femmes.

Son visage et tout son corps étaient violets, il fallait que la juridiction la voie pour se rendre compte de la violence.

Me Audrey Ferron, avocate

Le lendemain de son arrivée dans les locaux de l’Asfad de Rennes, il a fallu que l’éducatrice la conduise auprès de sa future avocate pour assister à l’audience, face à son agresseur. “J’avais tellement peur de le voir” tremble Valérie, alors que ce chapitre de sa vie est achevé.

“Son visage et tout son corps étaient violets. Sur les photos j’avais cru que c’était une femme de couleur. Il n’était pas possible de comprendre qu’elle était blanche de peau” assure Me Ferron, l’avocate de Valérie.

“Il était primordial que la juridiction la voie, qu’ils se rendent compte de la violence” appuie Me Ferron qui a insisté pour que les juges puissent comprendre l’état dans lequel son agresseur l’avait laissée.

“Son visage était si défiguré que même la procureur n’avait jamais vu cela” se rappelle Léa Pautrieux, présente aux côtés de Valérie à l’audience.

L’ex-conjoint fracasse la porte pour rentrer dans le domicile

À voir cette femme d’une cinquantaine d’années, souriante, maquillée, bien apprêtée, difficile d’imaginer ce qu’elle a traversé. L’ultra-violence de l’homme qui l’avait battue avait imposé le recours aux services du RAID de Rennes pour permettre son interpellation.

Les policiers n’ont pas compris comment je pouvais être encore en vie.

Valérie, victime des coups de son ex-compagnon

Le jour du drame, Valérie avait réussi à faire sortir de chez elle ce compagnon dont elle voulait se défaire. “Il est revenu quelques heures après. Il a fracassé la porte pour rentrer chez moi et m’a attaquée. Je ne sais pas comment je m’en suis sortie”.

“Les policiers qui m’ont retrouvée au sol dans les couloirs de mon immeuble n’ont pas compris comment je pouvais être encore en vie” avoue la miraculée.

Dans ses souvenirs, des images reviennent. L’étranglement, les coups de couteau, les coups de bouteilles, les coups de pied. Finalement, l’homme décide de la laisser pour morte.

Pour cet acte de cruauté, l’agresseur récidiviste a été condamné à 5 ans de prison. ”Il lui en reste 4” souligne Valérie qui redoute le moment de sa sortie.

Des décisions qui sauvent

Elle ne remettra jamais les pieds sur les lieux de l’agression. Si Valérie est aujourd’hui si lumineuse et digne dans son nouveau logement, “c’est dû à son courage et ses décisions” confie son avocate Audrey Ferron. Léa et Muriel, qui ont réussi à lui obtenir le studio et à lui redonner confiance en elle, rejoignent l’avis de la juriste.

“Dès son arrivée à l’Asfad, madame a su faire des choix pour reconstruire sa vie” exprime Léa avec certitude. Si Valérie ne semble pas percevoir l’importance de ses décisions, Léa mesure le chemin parcouru par la femme qu’elle a accompagnée.

“Elle a réussi à sortir de son emprise. À ne pas répondre à ces sollicitations ou à celles de son entourage”. Dans la structure sécurisée de l’Asfad de Rennes, les femmes qui ont subi des violences sont accompagnées, suivies, épaulées autant sur le plan juridique, administratif que psychologique. Le temps n’est pas compté, seule importe pour l’équipe des travailleurs et travailleuses sociaux cette finalité : permettre aux femmes de retrouver leur place dans la société.

Un réseau de professionnels pour aider les femmes victimes de violences

Valérie n’a plus besoin de l’accompagnement rapproché de l’équipe rassurante de l’association militante. Elle est aujourd’hui en confiance et pour elle, c’est tout ce qui compte car “dans quelque temps, j’en connais un qui va sortir” chuchote-t-elle.

Valérie sait qu’elle peut compter sur les femmes qui ont croisé son chemin pour répondre présent à n’importe quel moment. Léa et Muriel de l’Asfad, émues de voir Valérie dans son nouvel univers, espèrent ne plus jamais revivre une telle situation dans leur carrière.

Le dossier le plus conséquent en termes de violences que mon cabinet a suivi.

Me Audrey Ferron, avocate

L’avocate assure qu’elle n’oubliera pas cette rencontre qui aura été “le dossier le plus conséquent en termes de violences” que son cabinet spécialisé ait eu à suivre.

Les actes de violences par des hommes sur des femmes sont quotidiens. Maître Ferron se dérobe, elle est de permanence au tribunal de Rennes pour d’autres audiences, d’autres femmes agressées par d’autres hommes violents.

Derrière les mots “femmes victimes de violences” se cache une réalité froide, inhumaine, qui laisse des femmes dans un traumatisme profond. À Rennes, certaines ont la chance de trouver l’épaule d’un réseau de professionnels qui se bat pour les aider. En octobre 2023, un lieu unique dans le Grand ouest offrira un accueil d’ordre médical, juridique et social aux femmes victimes de violences et à leurs enfants, son nom : la Maison des femmes.

 

* prénom modifié

Source : https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/ille-et-vilaine/rennes/violences-faites-aux-femmes-les-policiers-n-ont-pas-compris-comment-je-pouvais-etre-encore-en-vie-le-temoignage-d-une-survivante-2794958.html